Douance et TDAH

Le diagnostic psychologique du trouble de déficit de l’attention/ hyperactivité (TDAH) est parfois posé chez les personnes identifiées comme étant intellectuellement douées (prévalence évaluée à 3 à 9% des personnes douées). Il s’agit dans ces cas d’une des formes possibles de la double exceptionnalité. 

Le TDAH consiste en la présence de difficultés attentionnelles et/ou d’hyperactivité et/ou d’impulsivité chez une personne et qui se manifestent de différentes façons. Ces symptômes apparaissent avant l’âge de 12 ans, sont présents dans au moins deux contextes (p.ex. maison et école) et ont un impact significatif sur le plan fonctionnel de la personne. 

Les symptômes de TDAH ne sont alors pas mieux expliqués par la douance elle-même ou une autre condition. Par ailleurs, certains symptômes de TDAH peuvent rappeler les traits particuliers des personnes douées. Par exemple, les hypersensibilités des personnes douées peuvent amener des difficultés à gérer leur impulsion. Leur grand sens de la justice est propice aux comportements d’opposition. Enfin, leur créativité les amène parfois à se montrer particulièrement animés dans des moments où ils devraient demeurer calme et silencieux. D’ailleurs, les niveaux d’hyperexcitabilités (du modèle de Dabrowski) sont en moyenne plus élevés chez les personnes douées que chez celles qui n’ont pas été identifiées comme telles.  Il ressort plus spécifiquement des relations entre les hyperexcitabilités et les sous-échelles du questionnaire comportemental du Conners, lequel dépiste les symptômes du TDAH. Par exemple, il semble exister une faible corrélation positive entre l’hyperexcitabilité psychomotrice et la sous-échelle du Conners mesurant l’hyperactivité/ impulsivité.  S’il peut ainsi être difficile pour les milieux scolaire, familial et professionnel de bien discriminer la douance du TDAH, il est maintenant reconnu qu’il s’agit bien de deux conditions distinctes. 

La manière dont la douance et le TDAH interagissent ensemble peut laisser place à ce que l’on appelle « l’effet de masquage ». Celui-ci peut prendre trois formes. Pour certaines personnes, le TDAH est bien visible, mais empêche d’atteindre le plein potentiel. Ainsi, la douance risque de passer sous le radar et de ne jamais être identifiée. Pour d’autres, la douance est manifeste, mais elle permet de compenser les difficultés liées aux symptômes du TDAH qui ne seront donc pas pris en compte, ce qui génère, à la longue, une grande fatigue. Pour d’autres encore, la douance et le TDAH se masquent mutuellement. Dans ce cas, on ne voit ni la douance, ni le TDAH et on passera complètement à côté du profil cognitif particulier de la personne. Une compréhension optimale du fonctionnement des individus concernés demeure importante pour mieux les accompagner.  

Les chercheur.es travaillent à mieux comprendre l’interaction entre douance et TDAH. Les instruments d’évaluation de l’intelligence et du TDAH semblent encore à peaufiner pour mieux discriminer les éléments qui les définissent. Les résultats d’évaluation des enfants doués au questionnaire du Conners au moment de l’évaluation du TDAH, par exemple, ne concordent pas toujours selon qu’il soit complété par le professeur ou le parent. Également, les questionnaires ne précisent souvent pas ce qui sous-tend, explique et motive les symptômes TDAH qui y sont rapportés, alors que ceci pourrait permettre de mieux différencier les personnes douées des autres.

Des études tendent tout de même à montrer certaines tendances. De façon générale, les individus 2e-TDAH présentent davantage de difficultés spécifiques à l’organisation, la vitesse de travail, l’attention et la mémoire de travail, l’humeur /anxiété, ou la gestion de l’impulsivité lorsqu’ils sont comparés aux enfants doués sans diagnostic de TDAH. Ils rapportent en général une moins grande estime d’eux-mêmes, un moins grand bien-être.  Ils rapportent par ailleurs de plus hauts niveaux de créativité. 

En comparaison avec les personnes ayant uniquement le diagnostic de TDAH, les personnes 2e-TDAH présenteraient globalement des symptômes moins sévères liés au TDAH. Il est ainsi possible que ces dernières arrivent à compenser les symptômes spécifiques au TDAH. Ceci dit, les deux groupes présenteraient en général des symptômes similaires sur le plan de l’hyperactivité. Quelques chercheurs soulignent par ailleurs que la présence d’une douance semble exacerber les difficultés sociales et émotionnelles chez les personnes ayant un diagnostic de TDAH. Des déficits sur le plan des habiletés sociales de jeunes garçons doublement exceptionnels pourraient aussi mener à davantage de rejet de la part de leurs pairs.

Il est déjà reconnu que des aides pharmacologiques et autres techniques telles que la pleine conscience sont utiles aux personnes 2e-TDAH. Les connaissances actuelles suggèrent également que l’utilisation de la créativité dans l’enseignement auprès des enfants concernés, par exemple, pourrait être à privilégier en comparaison aux mesures adaptatives plus souvent utilisées auprès des jeunes avec le TDAH. Ces dernières pourraient être perçues comme stigmatisantes ou contraignantes auprès d’élèves doués. Les recherches futures permettront d’étayer davantage les méthodes d’évaluation, connaissances et pistes d’intervention dans ce domaine. 

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